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RÉVOLUTIONS DU BRÉSIL.

cet effort on s’endormit. On ne chercha point à établir quelque homogénéité dans le nouveau royaume, dont on venait de proclamer l’existence ; on laissa maladroitement subsister la même désunion entre les provinces, et Jeanj vi était, à Rio de Janeiro, le souverain d’une foule de petits états distincts. Il y avait un pays qu’on appelait le Brésil ; mais il n’existait point de Brésiliens.

Jean vi était étranger aux notions les plus simples de l’art de gouverner les hommes. Il avait eu un frère auquel on avait prodigué tous les soins d’une éducation excellente, tandis que lui, fils puîné, qui semblait ne point être destiné au trône, avait été condamné à une profonde ignorance. Jean vi était né bon, il n’eut jamais la force de prononcer lui-même un refus, il se montra toujours fils tendre et respectueux ; simple particulier, il eût été remarqué pour quelques qualités honorables, comme roi il fut absolument nul.

Les ministres qui gouvernèrent sous son nom ne furent point tous dépourvus de talens ; mais aucun ne connaissait assez le Brésil pour cicatriser les plaies qu’avait faites à ce pays le système colonial, pour en réunir les parties divisées, et leur donner un centre commun d’action et de vie. Don Rodrigo, comte de Linhares, avait des idées élevées ; mais il voulait tout entreprendre, tout finir à la fois ; dans un pays où tout est obstacle, il n’en voyait aucun ; il ne mesurait point la grandeur de ses idées sur la petitesse de ses moyens, et, dupe des charlatans qui l’entouraient, plus dupe encore de son imagination bouillante, il croyait déjà exécutés des projets gigantesques qui à peine pourront s’accomplir dans quelques siècles. Ceux qui lui succédèrent, vieux et infirmes, voyaient toujours l’Europe dans l’empire du Brésil, et laissèrent les choses dans l’état où ils les avaient trouvées. Antonio de Villanova e Portugal, le dernier ministre qu’eut le roi Jean vi comme souverain absolu, était un homme de bien, et possédait même quelques connaissances en agriculture, en économie politique, en jurisprudence ; mais ses idées, surannées et mesquines, n’étaient point en harmonie