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L’ASTROLABE À TONGA-TABOU.

coup de fusil lui fut adressé. Sans doute cette arme devait être un fusil de rempart ou une forte carabine, car elle avait une portée extraordinaire, comme nous le reconnûmes plus tard par les balles qui arrivaient jusqu’à bord, et nous dépassaient même quelquefois considérablement.

Cependant Martineng était rentré dans l’enclos pour quitter ses vêtemens, puis il était revenu dans l’eau, où il s’était avancé beaucoup plus que la première fois ; mais les insulaires lui adressèrent un coup de fusil qui le fit revenir sur le rivage, d’où il cria au canot de retourner à bord, et de ne point tirer ; qu’autrement il serait massacré par les sauvages, ainsi que tous ses camarades.

M. Guilbert revint à bord sans avoir tiré un seul coup, et j’approuvai sa conduite. Désormais il était évident que les astucieux sauvages voulaient attirer nos hommes dans un piége, pour en massacrer le plus qu’ils pourraient, et me dégoûter de toute tentative ultérieure. Leur précipitation seule avait fait échouer leur stratagème ; et sans le coup de fusil trop tôt tiré, il est probable que M. Guilbert et ceux qui l’avaient accompagné seraient tombés en leur pouvoir. Sans doute le moment était arrivé d’avoir recours aux moyens extrêmes, et peut-être eussé-je dû m’y résoudre sur-le-champ. Toutefois, pour éviter tout reproche de violence et de précipitation, je résolus d’attendre jusqu’au lendemain, et de laisser encore la nuit aux réflexions des naturels.

M. Guilbert s’était assuré que la corvette pouvait sans danger accoster de très-près les récifs ; la marée était basse, et l’acore des brisans était maintenant très-visible. En conséquence, cet officier retourna dans la chaloupe mouiller la grosse ancre, qui n’avait qu’une pate, à deux encâblures dans le sud-sud-ouest, par treize brasses. La première ancre fut dérapée, et nous nous halâmes sur l’ancre à une pate. Cette manœuvre, exécutée avec de grosses ancres et avec des grelins à demi-usés ou rongés par les coraux, fut longue et pénible ; car les aussières, les orins et les serre-bosses manquaient à chaque instant. Toutefois, à force de soins et de