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VOYAGES.

nouvelle de M. Alfred de Vigny, et un voyage encore tout humide du naufrage d’un des plus infatigables voyageurs de notre époque, M. Louis-Domeny de Rienzi.

M. de Rienzi descend en ligne directe de ce hardi tribun qui fit éclater à lui tout seul le premier germe de la liberté italienne ; Rienzi, roi dans Rome plus que le pape, homme de la foule que la parole fait tout puissant ; passionné génie que la parole abandonne un jour, et qui meurt avec gloire ; anachronisme inoui et presque incroyable dans cette ville si pieusement soumise au vasselage des souverains pontifes. Depuis Rienzi, son nom fut un beau nom à porter, non-seulement dans l’Italie, qui se souvient de ce beau nom, comme d’un nom du siècle de Léon x, mais dans toute l’Europe qui, depuis Rienzi, a été témoin de tant d’élévations aussi inouies que la sienne, de tant de chutes plus grandes encore, et qui, à force d’élévations étranges et de défaites subites, a compris que cette espèce de grandeur qui éclate parfois dans un homme, n’était pas seulement une révolte ; que plus souvent c’était une révolution.

Avec ce beau nom, une ame vive, un coup-d’œil pénétrant, une passion toute italienne pour l’art et la poésie, un infatigable besoin de voir des ruines, de saisir des formes, d’étudier des mœurs nouvelles, de courir de grands dangers, M. Louis de Rienzi se mit en route de bonne heure, lui, soldat français, déjà capitaine dans l’armée de Bonaparte, et qui avait fait avec lui ces hardis et glorieux voyages à main armée devant lesquels se taisait l’Europe muette d’effroi, et dont nous revenions chargés des dépouilles opimes de la conquête, laissant après nous quelque chose de nos lois et de nos mœurs ; ce qui fait qu’en résultat les peuples conquis par nous ont conservé de la conquête française un souvenir sans amertume : nous leur donnions alors le code Napoléon, comme les Russes donnent le choléra-morbus. Excellens et beaux voyages à faire, sans contredit, que ces voyages sous la conduite de l’empereur !

Cependant ce voyage à travers l’Europe ne parut pas assez