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VOYAGES.

pour amener les naturels à composition, je me décidai à poursuivre sans relâche les hostilités. Lorsqu’il s’agit d’armer de nouveau le grand canot, tout l’équipage s’offrit avec ardeur pour faire partie de cette nouvelle expédition. Cet empressement me prouva combien la bravoure est naturelle au Français, quels que soient d’ailleurs sa conduite et ses principes. Certes, il y avait du courage et du dévoûment à aller affronter des milliers de sauvages vigoureux, résolus et bien armés, avec une vingtaine de mousquets. Mais la conduite des hommes du premier détachement m’avait prouvé qu’on ne pouvait pas compter sur la prudence des matelots, qui, une fois débarqués, n’écoutaient plus la voix de leurs chefs, et se débandaient pour courir çà et là au pillage, sans ordre ni précaution.

En conséquence, je n’armai le canot que d’officiers, de maîtres et d’officiers mariniers, en un mot de personnes sur la prudence desquelles on pût compter. Comme ce détachement s’embarquait dans le canot, le caporal Richard, que je n’y avais point compris, vint me supplier de lui permettre de s’y joindre, ajoutant que ce serait le déshonorer, si je ne le jugeais pas digne d’en faire partie, malgré sa qualité de chef de la garnison. Je cédai à ses instances, non sans quelque répugnance. Enfin le canot partit, sous les ordres de M. Gressien. Les instructions que j’avais données à cet officier lui enjoignaient de se porter le long de la côte, de brûler toutes les maisons qu’il rencontrerait, et de tirer sur tous les sauvages qui se présenteraient hostilement, tout en respectant les femmes, les enfans, et même les hommes qui ne feraient point de résistance. Il devait au contraire employer tous les moyens en son pouvoir pour convaincre les naturels que tous nos désirs ne tendaient qu’à la paix, et que la restitution des prisonniers ferait cesser toute hostilité. J’ordonnai à M. Paris, auquel le canot était confié, de ne point le quitter, et de suivre attentivement la marche du détachement le long des récifs, pour être tout prêt à favoriser sa retraite, si elle devenait nécessaire. Enfin, je recommandai instamment et à plusieurs