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UN PRESSENTIMENT.

que leurs regards levés aux cieux, ainsi que leur tendresse et leurs prières. Il priait, lui ; il priait avec une effusion immense. L’esprit du mal eût prié, car il y a tant de puissance dans la trinité humaine que Dieu nous a faite avec la foi, l’amour et la douleur.

Ils étaient unis comme deux âmes ; mais qui saura les voluptés et les douleurs de cette union ?

Souvent ils prièrent ainsi ; et c’était devenu pour eux, quand ils étaient ensemble, un besoin comme celui de respirer.

Un jour, dans une de ces extases d’amour et de foi, il avait cru voir un ange dans sa tante.

— Dis-moi, oh ! dis-moi, n’es-tu pas mon bon ange ? N’as-tu pas revêtu cette forme divine de femme et de beauté pour me conduire à l’éternelle félicité ?

— Non, avait répondu une voix pure comme une vibration du crystal ; non, je ne suis pas un ange. Les anges ne meurent pas, et moi je mourrai.

— Tu mourras… Oh ! s’écria-t-il avec exaltation, oh ! la mort est trop faible pour nous séparer. Promettons-nous que nos âmes traverseront ce qui sépare ce monde et l’autre, promettons-nous que le premier mort de nous deux reviendra près de l’autre.

Et souvent depuis ils se répétèrent, mais en riant, cette promesse.

Par un bel après-midi, dans les premiers jours d’octobre, la famille et quelques amis étaient réunis dans un salon de plain pied avec un beau jardin. C’est une charmante chose qu’un jardin près d’un salon, dans une grande ville comme Rouen.

Ce jour-là, toutes les plantes, respirant avec volupté les rayons d’un soleil d’automne, semblaient assister à une fête sans pressentir l’hiver qui s’approchait. Quelques roses des plates-bandes balançaient encore leurs têtes riantes, et projetaient des ombres mobiles dans les prismes de lumière qui pénétraient à travers le salon par les portes et les