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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

ples de cette calamité, dont les effets ont été également funestes aux produits végétaux, aux animaux et aux hommes. Dans le bassin élevé, sur lequel la capitale est assise, la chaleur de l’été est tellement absorbante, que, suivant un proverbe espagnol, Madrid a neuf mois d’hiver et trois d’enfer (nueve meses d’invierno y très d’infierno). Toutefois, dans sa profonde sagesse, l’administration du pays a enchéri sur la munificence de la nature, et l’on peut dire sans exagération que, pour la plus grande partie des habitans de cette capitale, l’année tout entière est un enfer.

Les sommets de plusieurs montagnes de la Péninsule sont couverts de neiges perpétuelles, tandis que les plaines élevées et inabritées de la région centrale sont balayées par les vents glacés de l’hiver, et brûlées par les rayons du soleil d’été. Ces incommodités sont dues à la rareté des bois, plus clair-semés en Espagne que dans tout autre pays de l’Europe. Pas une seule forêt de Bayonne à Cadix : si vous exceptez les taillis de la Biscaye, les bosquets et les avenues d’Aranjuez, les vallées ou plutôt les gorges de l’Andalousie, plantées d’arbres assez touffus, le reste du royaume, dans cette direction, offre un aspect monotone et plat qui attriste l’âme et fatigue les yeux. Les montagnes, privées de végétation n’absorbent plus l’humidité de l’air en quantité suffisante pour nourrir des plantes, dans les vallées et dans les plaines. Les fleuves, comme nous l’avons dit, sont presque tous sans importance sur plusieurs points de la longue carrière qu’ils parcourent avec rapidité ; et les terres sans ombrages, sans abri, sans défense contre l’intempérie des saisons, dans cette région élevée, subissent ces transitions rapides de chaleurs et de froids excessifs, si contraires à la fertilité du sol et à la santé de ses habitans. N’en concluons pas que cette nudité du sol soit l’effet d’une stérilité naturelle, ou que les arbres ne trouvent dans le climat aucun principe de vie. Valence, avec ses forêts nombreuses et l’abondance de ses moissons, prouve que l’Espagne aurait pu égaler et même surpasser en fertilité toute autre contrée de l’Europe ;