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LE RENDEZ-VOUS.

— À minuit !… dit M. d’Aiglemont.

— Je lui ai permis d’aller à l’Opéra…

— Cela est singulier, reprit le mari tout en se déshabillant, j’ai cru la voir en montant l’escalier…

Julie tira le cordon de la sonnette, mais faiblement.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Tous les événemens de cette nuit n’ont pas été parfaitement connus ; mais ils durent être tous aussi simples, aussi horribles que les incidens vulgaires et domestiques qui précèdent. Le lendemain, la marquise d’Aigleinont avait à son réveil les cheveux entièrement blancs.

— Crois-moi, reste garçon ! dit M. d’Aiglemont à M. de Flesselles, lorsque cette nouvelle se répandit, et qu’il demanda la cause de ce malheur à son ami. Le feu a pris aux rideaux du lit où couchait Hélène ; ma femme a eu un tel saisissement, que ses cheveux ont blanchi tout à coup. Vous épousez une jolie femme, elle enlaidit ; vous épousez une jeune fille pleine de santé, elle devient malingre ; vous la croyez passionnée, elle est froide, ou bien, passionnée en apparence, elle est réellement de marbre ; tantôt la créature la plus douce est quinteuse !… Je suis las du mariage.

— Ou de ta femme !…

— Cela serait difficile… À propos… veux-tu venir à Saint-Thomas-d’Aquin avec moi… à l’enterrement de lord Grenville ?…

— Mais, reprit Flesselles, sait-on décidément la cause de sa mort ?

— Son valet de chambre prétend qu’il est resté toute une nuit sur l’appui extérieur d’une fenêtre pour sauver l’honneur de sa maîtresse.

— Mais cela est très-estimable… Nous ne ferions plus cela nous autres…


De Balzac.