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LITTÉRATURE.

Vingt coups de fusils partirent à l’instant ; à la lueur de cet éclair, on put distinguer trois hommes qui fuyaient ; l’un d’eux chancela, se traîna un instant le long du talus, espérant atteindre l’autre côté de la haie. On courut à lui, ce n’était pas le guide ; on l’interrogea, il ne répondit point ; un soldat lui perça le bras de sa baïonnette pour voir s’il était bien mort, — il l’était.

Ce fut alors Marceau qui devint le guide. L’étude qu’il avait faite des localités lui laissait l’espoir de ne point s’égarer. Effectivement, après un quart d’heure de marche, on aperçut la masse noire de la forêt. Ce fut là que, selon l’avis qu’en avaient reçu les républicains, devaient se rassembler pour entendre une messe les habitans de quelques villages, les débris de plusieurs armées, dix-huit cents hommes à peu près.

Les deux généraux séparèrent leur petite troupe en plusieurs colonnes, avec ordre de cerner la forêt et de se diriger par toutes les routes qui tendraient au centre ; on calcula qu’une demi-heure suffirait pour prendre les positions respectives. Un peloton s’arrêta à la route qui se trouvait en face de lui ; les autres s’étendirent en cercle sur les ailes, on entendit encore un instant le bruit cadencé de leurs pas, qui allait s’affaiblissant ; il s’éteignit tout-à-fait, et le silence s’établit. — La demi-heure qui précède un combat passe vite. À peine si le soldat a le temps de voir si son fusil est bien amorcé, et de dire au camarade : J’ai vingt ou trente francs dans le coin de mon sac ; si je meurs, tu les enverras à ma mère.

Le mot en avant retentit, et chacun tressaillit, comme s’il ne s’y attendait pas.

Au fur et à mesure qu’ils s’avançaient, il leur semblait que le carrefour qui forme le centre de la forêt était éclairé ; en approchant, ils distinguèrent des torches qui flamboyaient ; bientôt les objets devinrent plus distincts, et un spectacle dont aucun d’eux n’avait l’idée, s’offrit à leur vue.

Sur un autel grossièrement représenté par quelques pierres