Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
LA ROSE ROUGE.

était tombé dans le coin le plus obscur de la chaumière. Il gisait encore à la même place, immobile ; Marceau se retourna pour chercher son collègue, il avait disparu.

Lorsqu’il reporta ses regards dans la cabane, il lui sembla que celui qui l’habitait avait fait un léger mouvement ; sa tête était replacée dans une direction qui lui permettait d’embrasser d’un coup-d’œil tout l’intérieur. Bientôt il ouvrit les yeux avec le bâillement prolongé d’un homme qui s’éveille, et il vit qu’il était seul.

Un singulier éclair de joie et d’intelligence passa sur son visage.

Dès-lors il fut évident pour Marceau qu’il eût été la dupe de cet homme, si un regard plus clairvoyant n’avait tout deviné. Il l’examina donc avec une nouvelle attention ; sa figure avait repris sa première expression, ses yeux s’étaient refermés, ses mouvemens étaient ceux d’un homme qui se rendort ; dans l’un d’eux, il accrocha du pied la table légère qui soutenait la carte et l’ordre du général Westermann que Marceau avait rejeté sur cette table, tout tomba pêle-mêle, le soldat de faction entr’ouvrit la porte, avança la tête à ce bruit, vit ce qui l’avait causé, et dit en riant à son camarade : « C’est le citoyen qui rêve. »

Cependant celui-ci avait entendu ces paroles, ses yeux s’étaient rouverts, un regard de menace poursuivit un instant le soldat ; puis, d’un mouvement rapide, il saisit le papier sur lequel était écrit l’ordre, et le cacha dans sa poitrine.

Marceau retenait son souffle ; sa main droite semblait collée à la poignée de son sabre, sa main gauche supportait avec son front tout le poids de son corps appuyé contre la cloison.

L’objet de son attention était alors posé sur le côté ; bientôt, en s’aidant du coude et du genou, il s’avança lentement toujours couché vers l’entrée de la cabane ; l’intervalle qui se trouvait entre le seuil et la porte lui permit d’apercevoir les jambes d’un groupe de soldats qui se tenaient devant. Alors avec patience et lenteur, il se remit à ramper vers la fenêtre