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LE RENDEZ-VOUS.

Elle voyait près du général sir Arthur en costume d’officier anglais. Le jeune lord était tout à la fois joyeux et mélancolique, détournait la tête, et n’osait regarder Julie qu’à la dérobée.

C’était sans doute à lui qu’elle devait cette délivrance soudaine.

Grâce au passe-port, elle parvint à Paris sans aventure fâcheuse. Elle y retrouva son mari, qui, délié de son serment de fidélité par l’Empereur, avait été merveilleusement bien accueilli, et employé par le comte d’Artois, nommé lieutenant-général du royaume par son frère Louis xviii. Victor eut un grade éminent dans les gardes-du-corps ; mais au milieu des fêtes qui marquaient le retour des Bourbons, un malheur bien profond, et qui devait influer sur sa vie, assaillit la pauvre Julie… elle perdit la marquise de Belorgey.

La vieille dame était morte de joie en revoyant le duc d’Angoulême.

Ainsi, la seule personne au monde à laquelle son âge donnait droit d’être écoutée de Victor, et qui, par d’adroits conseils, pouvait rendre l’accord de la femme et du mari plus parfait ; cette personne était morte. Julie sentit toute l’étendue de sa perte. Il n’y avait plus qu’elle-même entre elle et son mari…. Jeune et timide, elle préférait la souffrance à la plainte ; et la perfection même de son caractère s’opposait à ce qu’elle osât se soustraire à ses devoirs.

La comtesse ne vit plus sir Arthur.


De Balzac.


(La suite à la prochaine livraison.)