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ANECDOTES SUR ALGER.

quelque église, et des odes à l’institut ? A-t-on crié les glorieux bulletins dans la rue ? Ai-je rencontré la tente de pourpre d’un aga plantée sur la place Louis xv, à côté de la baleine du prince d’Orange (qui n’y songe guère à présent, le pauvre homme) ? Avons-nous par hasard entendu les dilettanti fauxbouriens chanter l’Algérienne avec la Parisienne ? Jamais. Qu’est-ce donc que cette guerre dont il ne revient ni héros couronnés, ni héros blessés, ni héros bronzés du soleil, haut cravatés, regardant sombre, et coudoyant sans pitié, comme au bon temps du débonnaire patriote qui nous canonna à Saint-Roch ?

Voilà ce que je disais lorsque m’est apparu l’ouvrage intitulé : Anecdotes historiques et politiques pour servir à l’histoire de la conquête d’Alger… J’aurais donné tout au monde pour ne pas lire ce livre, parce que je n’aime pas à être désabusé quand une fois je me suis complètement abusé, chose qui m’arrive dix fois le jour en des occasions diverses. J’aurais bien voulu, dis-je, ne rien voir de positif dans ce volume, rien de caractéristique, rien de naïf et de vrai, afin de pouvoir encore nier cette campagne, et la laisser dans les féeries ; mais il m’a fallu lire le recueil, parce que je l’avais commencé, et y croire, parce que je l’avais lu. Il est donc vrai qu’il y a eu une campagne d’Alger brillante et profitable ; il est donc vrai que nous devons quelque reconnaissance à une armée toute jeune, et qui partit au milieu des pamphlets, des sifflets, des persifflages et des caricatures, qui la suivaient comme les éclairs d’un gros orage prêt à crever sur elle au premier revers. Grâce à la prudence du chef, l’armée n’en éprouva pas. On le regardait du bord comme on épie les mouvemens d’un équilibriste sur la corde tendue, et il eut le bonheur de ne pas faire un seul faux pas.

Si le livre dont je parle était une histoire grave de forme et d’attitude comme nous en savons, une de ces solides histoires à longues queues, qui marchent pas à pas avec ordre et cérémonie, un bras sur Quint-Curce et l’autre sur Tacite, je commencerais par reprocher à M. Merle d’avoir trop éclairé la figure principale de son tableau. Mais le moyen de