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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

chauds défenseurs des droits de la nation, effrayaient le dictateur du fantôme de l’anarchie ; il ne rêvait plus que massacres, pillage et incendies. Il n’osait quitter la capitale, et n’en sortit qu’une seule fois, et à grand’peine, pour visiter la forteresse de Modlin, à quelques lieues de Varsovie. Les réunions des députations de la diète lui portaient ombrage : il ne voyait partout qu’ennemis, mais Lelewel surtout lui était suspect ; et la demande de la formation d’une légion lithuanienne, sans cesse renouvelée, acheva de l’irriter contre ce dernier, qui ne laissait échapper aucune occasion de défendre la cause de la Lithuanie.

Le 7 janvier, le lieutenant-colonel Wylezynski arriva de Saint-Pétersbourg, où il avait été envoyé par le dictateur ; mais la réponse du czar ne laissait à Chlopicki aucun espoir de conciliation, et ne servit qu’à compliquer les embarras de sa position.

C’est au milieu de ces incertitudes, de ces frayeurs puériles, inséparables de l’autorité absolue, qu’il convoqua la diète pour le 17 janvier. En vain recherchait-on la cause de cette convocation ; personne, le conseil suprême lui-même ne pouvait satisfaire la curiosité publique. Les journaux censuraient la conduite du dictateur ; les uns parlaient de la nécessité d’une contre-révolution, les autres pensaient qu’il ne fallait que changer le caractère d’une dictature tout-à-fait opposée à la révolution actuelle. « Le dictateur, disait-on, attend le retour de Jean Jezierski de Saint-Pétersbourg, comme si le czar, quatre jours même avant le départ de Wylezynski, n’avait pas traité les Polonais de rebelles, dans son manifeste à la nation russe. » Enfin on faisait ressortir, en termes modérés, il est vrai, les inconvéniens graves d’une centralisation de pouvoirs si illimités dans les mains d’un homme dont les talens n’inspiraient pas une grande confiance. Sa garde d’honneur elle-même, si dévouée naguère, commençait à se refroidir, et s’offensait du nom de prétoriens qu’on lui donnait dans le public.