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VOYAGES.

les cascades pluviales frémissaient en se brisant au fond des précipices, l’ouragan tourmentait les nuages dans un angle du Bréven, l’avalanche tonnait du haut des solitudes du Mont-Blanc ; mais, pour mon âme, aucune de ces formidables voix des montagnes ne parlait aussi haut que la voix de ces pauvres pâtres implorant le nom d’une vierge.

Quelle puissance que celle qui fait sortir le même jour, à la même heure, le pape et l’éclatante légion des cardinaux des portes dorées de Saint-Pierre de Rome, le cortége royal du riche portail de Notre-Dame de Paris, et de leur indigent presbytère, oublié dans sa vallée, l’humble procession des montagnards de Chamonix ! Quelle intelligence que celle qui peut au même instant donner la même pensée à tout un monde !

Les vallées des Alpes ont cela de remarquable, qu’elles sont en quelque sorte complètes. Chacune d’elles présente, souvent dans l’espace le plus borné, une espèce d’univers à part. Elles ont toutes leur aspect, leur forme, leur lumière, leurs bruits particuliers. On pourrait presque toujours résumer d’un mot l’effet général de leur physionomie. La vallée de Sallenches est un théâtre ; la vallée de Servoz est un tombeau ; la vallée de Chamonix est un temple.


Victor Hugo.