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sions politiques, ses premières opinions, c’est-à-dire ses premières illusions, avaient été royalistes et vendéennes ; il se souvint qu’il avait écrit une Ode du Sacre à une époque, il est vrai, où Charles x, roi populaire, disait aux acclamations de tous : Plus de censure, plus de hallebardes ! Il ne voulut pas qu’un jour on pût lui reprocher ce passé, passé d’erreur sans doute, mais aussi de conviction, de conscience, de désintéressement, comme sera, il l’espère, toute sa vie. Il comprit qu’un succès politique, à propos de Charles x tombé, permis à tout autre, lui était défendu à lui ; qu’il ne lui convenait pas d’être un des soupiraux par où s’échapperait la colère publique ; qu’en présence de cette enivrante révolution de juillet, sa voix pouvait se mêler à celles qui applaudissaient le peuple, non à celles qui maudissaient le roi. Il fit son devoir. Il fit ce que tout homme de cœur eût fait à sa place. Il refusa d’autoriser la représentation de sa pièce. D’ailleurs les succès de scandale cherché et d’allusions politiques ne lui sourient guère, il l’avoue. Ces succès valent peu et durent peu. C’est Louis xiii qu’il avait voulu peindre dans sa bonne foi d’artiste, et non tel de ses descendans. Et puis c’est précisément quand il n’y a plus de censure qu’il faut que les auteurs se censurent eux-mêmes, honnêtement, consciencieusement, sévèrement. C’est ainsi qu’ils placeront haut la dignité de l’art. Quand on a toute liberté, il sied de garder toute mesure.

» Aujourd’hui que trois cent soixante-cinq jours, c’est-à-dire, par le temps où nous vivons, trois cent soixante-cinq événemens, nous séparent du roi tombé ; aujourd’hui que le flot des indignations populaires a cessé de battre les dernières années croulantes de la restauration, comme la mer qui se retire d’une grève déserte ; aujourd’hui que Charles x est plus oublié que Louis xviii, l’auteur a donné sa pièce au public, et le public l’a prise comme l’auteur la lui a donnée, naïvement, sans arrière-pensée, comme chose d’art, bonne ou mauvaise, mais voilà tout. »

Nous regrettons bien de ne pouvoir mettre ici, à l’appui des éloges que nous donnons à l’ouvrage, les citations qui les justifieraient. Jamais, à notre avis, M. Hugo n’a été plus poète, n’a vu de plus haut, n’a jugé plus largement.

D’ailleurs, c’est au théâtre qu’il faut voir une œuvre de théâtre ; c’est sous les traits de madame Dorval qu’il faut applaudir Marion