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CHRONIQUE HÉBRAÏQUE.

Tirtza était silencieuse ; sa main cherchait son voile.

Le jeune Hébreu étouffa un cri de bonheur ; mais rien n’avait échappé à la jalouse sagacité de l’époux.

— Achevez la cérémonie, dit-il d’une voix sombre, au grand-prêtre.

— Regarde donc ce peuple ! s’écrie vivement Nephtali, l’arrêt de mort de ta femme est écrit sur tous ces fronts !…

— C’est toi qui l’a tracé sur celui de Tirtza.

Tous les assistans étaient émus, les deux témoins, malgré la solennité de la cérémonie, n’avaient pu retenir leurs larmes, Tirtza les remerciait par un regard. Ah ! que de reconnaissance il y avait dans ce regard ; au dernier degré du malheur la pitié fait tant de bien !

— Finissons, dit Zimram avec une émotion qui perçait jusque dans la dureté de sa voix.

Tirtza fit un pénible effort, et ploya les genoux devant son mari.

— Oh ! pitié, dit-elle, et ses larmes coupaient sa voix ; vous êtes mon seigneur, mon maître, mon mari ; à moi votre esclave et votre épouse, faites-moi grâce ; ma faute ne mérite pas un tel châtiment !… — Zimram…, mon époux respecté !… — Le sort qui m’attend est affreux ; mon père était votre ami… Je suis la mère de votre Emmanuel, c’est mon fils ; douce et chère créature si frêle, et qui a tant besoin de sa mère, Zimram, mon époux !… ayez pitié de lui !… Ses pleurs la suffoquaient ; serrant convulsivement la tunique de son époux, elle la portait à ses lèvres, elle en couvrait son visage…

— Homme sans pitié, s’écrie impétueusement Nephtali, à la vue du désespoir de la femme qu’il adore ; ton âme est donc de fer, qu’elle reste insensible à ses larmes.

— Je te rends grâce, Nephtali, répond Zimram avec une amère ironie ; j’hésitais, tu m’as décidé. Puis, sans jeter un seul regard sur sa victime, restée froide et glacée dans ses mains, il ajouta, haut et vite :

— Tirtza, je ne veux plus de toi.