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LITTÉRATURE.

La jeune Juive rougit. La question eut l’air de l’embarrasser ; pourtant elle répondit, timide, et comme surmontant une émotion pénible :

— Je vous attendrai, seigneur. Serez-vous long-temps absent ?

— Mon frère Tabor est malade, et peut-être passerai-je la nuit chez lui. Vous, Tirtza, couchez-vous de bonne heure, et ayez bien soin de notre petit Emmanuel.

Puis la figure du docteur, naturellement dure, s’adoucit en regardant sa jeune épouse ; il jeta un regard complaisant sur un berceau dont les rideaux entr’ouverts laissaient voir un bel enfant endormi ; le docteur s’éloigna lentement, souriant à Tirtza, et lui faisant adieu de la main.

Il ne la quittait qu’à regret.

— Kedma, dit-il à une vieille femme qui filait dans la pièce d’entrée, je sors ; que ma porte soit fermée à tout le monde, je le veux ainsi. Si quelque ami venait me demander, je suis chez mon frère Tabor ; si un étranger réclamait l’hospitalité, conduisez-le chez mon parent Esaü, il le recevra pour moi ; une autre fois je ferai de même pour lui. Kedma, ne recevez personne pendant mon absence, personne !

— Ainsi soit-il ! seigneur, répondit la vieille avec respect.

Et Zimram le docteur, sortit.

À peine eut-il dépassé le seuil, qu’une inquiétude vague, une idée pénible et fidèle le fit revenir sur ses pas ; déjà il tenait le marteau pour frapper ; mais la raison vint à son aide, et, passant la main sur son front, comme pour effacer le nuage qui l’avait obscurci un instant, il reprit le chemin du logis de son frère.

Il trouva son frère levé, et il le félicitait sur sa prompte guérison, lorsque Zébul, un des voisins, entra.

— Bonsoir, Tabor ; je suis bien aise de vous voir rétabli. Eh !… Zimram… bonsoir ; je vous croyais chez vous.

Zimram allait répondre, lorsqu’Elipheled, un autre de ses voisins, parut à la porte.