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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

Quant à M. le comte Louis Plater ; il appartient à une famille qui a souvent attiré sur elle, par son patriotisme, les persécutions des Russes, dont elle refusa constamment les faveurs ; mais n’ayant, lui, qu’une modique fortune, il fut obligé d’entrer au service de la Russie, et c’est avec les Russes qu’il est venu à Varsovie en 1815. Nommé conseiller d’État, directeur du contrôle-général et des forêts, pendant que la nation gémissait sous l’administration de Nicolas, il reçut une augmentation de traitement, et trois fois des sommes énormes à titre de gratifications. Enfin, il accepta la place de sénateur-castellan, quoique ce fût une triple violation de la charte, puisqu’il ne payait point l’impôt de 2,000 florins, qu’il était employé salarié du trésor, et qu’enfin le nombre des sénateurs étant limité par la charte, il ne pouvait être que surnuméraire. M. le comte Louis Plater a été secrétaire du dictateur.

Nous pouvons donc le regarder comme le véritable chef de cette coterie aristocratique, qui, effrayant les vieillards et les gens en place du fantôme de l’anarchie, s’empare, par ce moyen, de toutes les charges civiles et militaires. Le prince Czartoryski et le vénérable Niemcewicz ne sont que trompés par cette coterie, ainsi que beaucoup d’autres bons citoyens que la vanité a affublés du vain titre de comte[1].

Ainsi, les espions russes d’un côté, et les aristocrates de l’autre, étaient les appuis de l’administration dictatoriale. Ce dernier parti, augmenté de tous les gens timides, formait un juste milieu entre Nicolas et le peuple polonais ; ce juste milieu en Pologne n’est composé que d’hommes ignorans ou superficiels, tandis que le savant Lelewel, premier historien

  1. Ces titres excitent la pitié en Pologne, et voici pourquoi. Après le démembrement, le cabinet de Vienne déclara tous les nobles polonais en masse, comtes ou barons, à leur choix, sous la condition, toutefois, de payer une fois pour toutes l’impôt du timbre de quatre à six mille florins. Ce n’est donc qu’un trafic du cabinet autrichien.