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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.


sans majorats, ce qui était interdit par les lois polonaises[1]. Ces familles se jetèrent avec avidité sur ces vains hochets, plus de trois cents obtinrent le titre de comte. Mais il n’y avait plus alors de starosties[2] pour les alimenter. Tous les jours plus pauvres, elles étaient exposées aux railleries des étrangers, et avaient ainsi de nouveaux motifs de déplorer le sort de leur patrie. La révolution française, et surtout l’égalité professée par les jacobins, firent préférer aux familles puissantes de Pologne l’inégalité de l’aristocratie anglaise ; séduites par les théories politiques des autres pays, connaissant mal l’histoire de leur propre patrie, elles pensèrent que l’anarchie polonaise des deux derniers siècles, au lieu d’être un résultat naturel de la tendance des riches vers les principes aristocratiques, n’avait été que l’effet d’un principe contraire. Ainsi, leur conscience et leur patriotisme étaient sans reproche, quoique leurs idées fussent fausses. La grande société patriotique, formée après la chute de la Pologne, fut en grande partie composée d’hommes qui professaient ces opinions, et à qui une haute position sociale permettait de travailler au rétablissement de la patrie avec plus de succès que les hommes pauvres et sans influence.

Sur ces entrefaites (1806), Napoléon vint aux bords de la Vistule former le duché de Varsovie. Les person-

    de mes supérieurs et d’après ce que je croirai être le plus honnête. Je signe ce serment après l’avoir lu avec toute la réflexion nécessaire. Que Dieu me soit en aide. » (Extrait du rapport de la commission chargée d’examiner les papiers de la police secrète, publié à Varsovie, le 18 janvier 1831, p. 7 et 8.)

  1. Quatre ou cinq majorats seulement avaient été créés par des lois exceptionnelles en faveur de quelques familles.
  2. Sorte de fiefs à vie, destinés à récompenser les citoyens qui avaient rendu quelque service à la patrie. Le roi seul avait le droit d’en disposer, et jamais une starostie ne devait rester vacante. C’était un excellent moyen d’enrichir la noblesse pauvre, mais malheureusement les riches devenaient presque seuls starostes, et un Radziwill ou un Zamonyski possédait souvent dix ou quinze des plus belles starosties.