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RÉVOLUTION POLONAISE.

duquel l’histoire des deux derniers siècles rend un témoignage éclatant.

Mais une autre vérité non moins certaine, c’est que l’anarchie qui avait donné à la Pologne une si triste célébrité dans les xviie et xviiie siècles n’était autre chose qu’une révolution politique. Dans cette révolution, la noblesse pauvre, imbue des idées démocratiques, ayant momentanément écrasé les paysans jadis libres et la bourgeoisie indépendante, soutint, sous la bannière de la liberté et de l’égalité, une lutte longue et pénible contre quelques familles riches, qui, sous un prétexte d’ordre, voulaient confisquer la liberté à leur profit, et introduire en Pologne les titres féodaux de comtes et de barons, et l’hérédité du sénat, préparant ainsi à leur patrie la triste paix qui pesait sur la Bohême et la Hongrie[1]. D’un autre côté, les riches gentilshommes qui entouraient la personne du roi, profitant de leur position, irritaient l’amour-propre de la petite noblesse par des prétentions exagérées. Ainsi, la royauté qui, au xive siècle, était encore absolue, devint tout-à-fait nulle quatre siècles plus tard. Mais l’histoire prouve que ce n’est qu’un à un et avec le temps que la noblesse a détruit tous les droits attachés à la royauté, moins par désir d’empiéter sur elle que pour prévenir les suites plus fatales encore de l’ambition des familles riches. Le terrible liberum veto (qui n’existait que depuis l’année 1652), et les confédérations armées qui lui servaient de contrepoids, n’étaient que les moyens extrêmes sans lesquels

  1. La noblesse, en Pologne, était tout autre chose que la noblesse des autres pays, car il n’y avait point de gradation dans les titres et dans les priviléges ; elle ne possédait ni majorats, ni emplois héréditaires ; en un mot, elle n’était point féodale. L’esclavage des paysans polonais ne date que du quinzième, et l’abaissement de la bourgeoisie du seizième siècle. La plus grande partie de la noblesse ne possédait souvent que quelques arpens de terre, un cheval et un sabre. Ce n’était donc point une aristocratie, mais plutôt une représentation nationale permanente, qui se transmettait des pères à leurs enfans.