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VOYAGES.

de couleur, de langage, de coutumes. Ils ne s’informent même pas de la longueur du trajet. Une jeune et timide Rotumane vint un jour visiter notre vaisseau (le premier qu’elle eût jamais vu) ; elle ne tarda pas à manifester ce désir inquiet des voyages qui possède ses compatriotes ; et comme il lui fut observé que ce vaisseau était destiné à un voyage de long cours : « Oh ! tant mieux », répondit-elle.

Le 25 mars, le vent fraîchissant, un bateau chargé de bois à brûler qui revenait joindre le vaisseau (la Sophie), fut renversé dans les brisans. Le midshipman qui le conduisait, M. Lamb, et un marin, périrent. Aussitôt qu’on se fut aperçu de cet accident à bord du vaisseau, on dépêcha des bateaux, qui parvinrent à sauver le reste de l’équipage. Cet accident était un présage fâcheux. Dès le 25, le vent souffla très-fort d’ouest nord-ouest et nord-nord-ouest ; la mer était très-grosse, et, en se précipitant dans la baie, elle empêchait notre départ. Le 27, le vent devenant plus violent, on jeta les autres ancres, le perroquet et le mât de hune furent abaissés, et la grande vergue et la vergue de misaine furent descendues sur le pont. Tandis que nous craignions que les câbles ne vinssent à rompre sur l’avant du vaisseau, des vagues énormes roulaient derrière nous avec fureur, et rendaient notre position très-périlleuse. Du 27 au 29, le vent souffla par intervalles ; mais comme il était constamment dirigé contre la baie, toutes nos tentatives de sortie furent infructueuses. Le 30 mars, la mer était encore très-houleuse ; mais le temps était clair et beau, le vent était un peu tombé, et nous épiions avec une vive anxiété le moment de mettre à la voile. Vers onze heures, le ciel se couvrit, et tout nous