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LITTÉRATURE.

L’affranchi à l’esclave. Cela ne vaut plus rien. Est-ce qu’il y a maintenant du danger pour tout le monde ?

L’esclave. Ces grands lourdauds de barbares n’entendent pas toujours ce qu’on leur dit, et quand il s’agit de César, qui les paie grassement, ils frappent à droite et à gauche comme des sourds.

L’affranchi. Au fait, amis ou ennemis, tout leur est égal, car ils n’aiment ni n’estiment guère les Romains.

L’enfant continuant. Oh ! mon père, ils sont bien en colère, car je les entends jurer, et ce n’est point en latin, mais avec leurs vilains mots germains.

Clivius à Bativius. En effet, c’est mauvais signe quand ils parlent dans leur jargon cimbrique.[1]

L’enfant. Entendez-vous le bruit de toutes ces voix qui invoquent la pitié des Germains ? Toutes ces femmes qui crient : Si notre bon César nous est enlevé, honnêtes Germains, tout ce peuple est innocent de sa mort. Elles pleurent, elles prennent les dieux à témoin… Ah ! bonne nouvelle ! les Germains s’apaisent. Ils ne lèvent plus les glaives. En voilà qui se mettent en rang sur le théâtre… Oh ! que vois-je ! Des têtes, de vraies têtes d’hommes qu’on promène au bout des lances… Voilà qu’on en place une là-bas sur l’autel d’Auguste… Mon père, en voici une autre qui vient de notre côté.

Bativius à Clivius. Dieux tout-puissans ! Quel spectacle ! Cette tête… je la reconnais… C’est, c’était le généreux Asprenas. Le sourire du mépris erre encore sur ses lèvres… Vils Romains, qui vous repaissez de cette vue, il vous jugeait bien !

Clivius. La goutte de sang qui a jailli sur sa robe était un funeste présage.

  1. Flavius Josèphe donne quelque part à ces Germains dévoués aux Césars le nom de légion celtique. Parlaient-ils un dialecte teutonique, ou le gallique, ou le crimbrique ? C’est ce que nous demanderons quelque jour à M. Amédée Thierry, qui peut nous l’apprendre mieux que personne.