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MORT DU CALIGULA.

L’affranchi. Peut-être plus vrai que tu ne l’espères, toi. Tu m’es suspect d’être un ennemi de César.

Le deuxième prolétaire. Courage. Par Bacchus, voilà un bon Romain ; cela tient les mauvais en respect ; et les riches eux-mêmes, qui ne sont pas loin d’ici, peuvent prendre cela pour eux.

Clivius, bas à Bativius. Cette canaille s’échauffe de plus en plus. Cela va finir par quelque horrible tumulte.

Bativius. Ô Jupiter conservateur, je te promets une belle génisse, si tu veux nous tirer d’ici. N’est-il pas moyen de faire retraite vers nos maisons ?

Clivius. Gardons-nous d’y songer. Ces infâmes ont les yeux sur nous, et les plus belles offrandes votives ne nous sauveraient pas.

L’affranchi, les apostrophant. Que murmurez-vous tout bas ? Êtes-vous contens, patriciens ? Les riches triomphent-ils ? Les pauvres citoyens ont-ils perdu leur cause ? On va voir.

Clivius. Nous disions que nous souhaitons que justice soit faite, et que tous les coupables, quels qu’ils soient, subissent un juste châtiment.

L’affranchi. À la bonne heure. Sous la fourche, sénateurs.

On entend au loin des tambours, des trompettes qui sonnent l’alarme ; des cris partent de toutes les extrémités de la place.

Femmes et enfans. Ô dieux clémens ! sauvez-nous.

Premier prolétaire, à son fils. Tiens, enfant, monte sur mon épaule ; tu verras mieux ce qui se passe.

Le fils. Je vois… je vois… Oh ! puissant Hercule, voilà les chevelures blondes, les grands géans de la cohorte germaine qui cernent la place de toutes parts… Oh ! ils arrivent avec maniples déployés, et partout je vois briller leurs grands casques avec des aigrettes rouges… Ah ! ma mère, les voilà qui fendent la presse. Tout le monde s’enfuit devant eux ; ils culbutent et écrasent tout.