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VICTOR HUGO.

tableau, une ombre passagère et orageuse de désespoir. Durant ce même temps, Victor Hugo composait son premier volume d’odes royalistes et religieuses. On sait comment son royalisme lui était venu. Quant à la religion, elle lui était entrée dans le cœur par l’imagination et l’intelligence ; il y voyait avant tout la plus haute forme de la pensée humaine, la plus dominante des perspectives poétiques. Le genre de monde qu’il fréquentait alors, et qui l’accueillait avec toutes sortes de caresses, entretenait journellement l’espèce d’illusions qu’il se faisait à lui-même sur ses croyances. Mais le fond de sa doctrine politique était toujours l’indépendance personnelle ; et le philosophisme positif de sa première éducation, quoique recouvert des symboles catholiques, persistait obscurément dessous. Aidé de ses frères et de quelques amis, il rédigeait dans ce temps un recueil périodique intitulé le Conservateur littéraire, dont la collection forme trois volumes. Il y écrivit une foule de vers politiques et d’articles critiques qui n’ont jamais été reproduits, et qu’il est difficile aujourd’hui de reconnaître sous les initiales diverses et les noms empruntés dont les signait l’auteur. Les traductions de Lucain et de Virgile, par M. d’Auverney, les Tu et les Vous, Épître à Brutus, par Aristide, appartiennent réellement à Victor Hugo ; la facture de ces vers est classique, c’est-à-dire ferme et pure ; ce sont d’excellentes études de langue, et, dans la satire, l’auteur a la verve amère et mordante. Je recommanderai encore plusieurs articles sur Walter-Scott, un sur Byron, un sur Moore, un sur les Premières Méditations poétiques, qui avaient paru d’abord sans nom d’auteur. Ce qui domine dans ce dernier et remarquable jugement, c’est un cri de surprise, un étonnement profond qu’un tel poète s’élève, qu’un tel livre paraisse, un grain de sévérité littéraire et puriste, un sourire de pitié au siècle qui se dispose sans doute à railler le noble inconnu. Je ne puis résister à en donner quelques phrases ; le critique vient de faire une citation : « À de pareils vers, dit-il, qui ne s’écrierait avec La Harpe : Entendez-vous le chant du poète?… Je lus en en-