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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

ignorante et brutale : la haute société est encore travaillée par les influences religieuses. Leurs lois proscrivent toute autre religion que la leur.

Tous les jours à sept heures du soir, un prêtre enfermé dans une voiture qu’on appelle la Voiture du bon Dieu, parcourt les rues de Mexico, escorté par une trentaine de clercs qui portent des flambeaux, chantent des litanies, et avertissent le public de se mettre à genoux ; l’usage est de s’agenouiller d’aussi loin que l’on entend la sonnette, et celui qui s’en dispenserait courrait de grands dangers ; il n’y a pas quatre ans que les acteurs eux-mêmes étaient obligés de s’arrêter et de se prosterner sur le théâtre jusqu’à ce que le bruit de la sonnette eût cessé. Si par hasard le gouverneur de Mexico vient à rencontrer la voiture du bon Dieu, il est obligé de monter sur la mule, et de la ramener à l’église ; mais d’ordinaire il est averti à temps par la sonnette, et change de direction pour éviter l’honneur de conduire la sainte voiture.

Qui ne croirait, d’après cela, que ce peuple, si attaché à sa religion, en suit, sinon la morale, au moins les préceptes ? Eh bien ! pas du tout : la religion, pour les Mexicains, consiste à ne jamais manquer à la messe, et à aller à confesse. Avec cela, ils se croient d’excellens catholiques. Je juge des Mexicains par ceux que j’ai observés à Mexico et à la Puebla. Je ne veux pas dire qu’il n’y ait de nombreuses et d’honorables exceptions ; mais j’affirme qu’il n’existe aucun pays où l’on ait moins d’aversion pour le crime que dans ces deux villes ; et ici je ne parle pas de ces trente mille leperos qui effraient les voyageurs par les haillons dont ils sont couverts, voleurs de profession, et toujours en permanence, comme ces oiseaux de proie qui s’alimentent de rapines : je parle de la classe aisée, qu’on peut sans injustice considérer comme une des plus démoralisées du monde connu, puisqu’à tous les vices de la barbarie elle joint ceux de la civilisation. Pour elle, tout est permis, pourvu qu’on ne manque pas aux cérémonies du culte : le vol, l’assassinat, la vénalité de la