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MŒURS RELIGIEUSES DU MEXIQUE.

que je crois devoir rapporter. Au moment où l’armée mexicaine s’approchait triomphante de Mexico, l’archevêque de cette capitale lança une excommunication contre les rebelles. Cette mesure produisit un effet prodigieux ; la défection allait devenir générale, lorsque les chefs, pour neutraliser les foudres de l’archevêque, se mirent eux et leur armée sous la protection de la Vierge de Guadeluppe, qui fut proclamée généralissime des armées républicaines. Ce stratagème rendit le courage aux soldats abattus, et ramena la victoire sous leurs drapeaux. La Vierge a continué depuis à commander les armées, et a exactement touché, par trimestre, ses appointemens. Ce n’est que depuis trois ans qu’elle a été mise à la retraite.

C’est par de telles voies que le clergé a acquis des biens immenses dans la Nouvelle-Espagne. Dans la seule ville de Mexico, il possède environ deux mille maisons, situées dans les plus beaux quartiers ; l’or qui est enfoui dans les églises est porté à un milliard, et les terres les plus fertiles de la république sont possédées par les moines. Ces ressources ne resteront pas éternellement inertes ; mais le moment de toucher à l’arche-sainte n’est pas encore venu : il faut laisser s’écouler la génération qui passe, et que les préjugés de l’enfance tiennent encore sous le joug des moines. Mais la génération nouvelle s’éclaire par les voyages et par la société des Européens ; à elle seule est réservée la tâche de donner à ces élémens de prospérité une destination convenable, et de vivifier ce magnifique pays.

Avec tant de moyens de propager la morale douce de l’Évangile et d’épurer les mœurs, le clergé, comme nous l’avons dit, n’a fait que du fanatisme le plus atroce qui existât jamais, et qui rendra long-temps ce pays hostile aux populations européennes. J’ai vu poignarder à Mexico des étrangers pour n’avoir pas mis les deux genoux à terre dans une procession ; des Anglais en grand nombre furent, dans les premiers temps, assassinés comme hérétiques. Et qu’on ne pense pas que ces crimes soient l’ouvrage de la populace