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MŒURS RELIGIEUSES DU MEXIQUE.

famille qui s’acquittent religieusement de ce soin, et il est inoui qu’un fils ait jamais découvert le trésor de son père.

De temps immémorial, ce peuple jouit de ses franchises, et se gouverne à sa manière ; tous les ans, on élit à la pluralité des suffrages un chef qu’on veut bien appeler alcade, et qui jouit de l’autorité souveraine. On lui donne une vingtaine d’alguasils, qui sont tenus de lui obéir en tout durant son règne : il peut à son gré emprisonner, juger, punir. Son règne est le vrai règne du bon plaisir ; mais malheur à lui s’il abuse de sa puissance : l’année terminée, il rentre dans la vie privée, et le jour même de son abdication, il est conduit au cepo[1], où il expie chèrement les abus du pouvoir.

Le culte mexicain s’est long-temps conservé à Guichicovi, et aujourd’hui même ce n’est que par une espèce de transaction que les habitans ont reçu un prêtre qui dit la messe, les baptise, les marie et les enterre ; encore est-il obligé de tolérer les rits idolâtres : à certaines époques, ils vont illuminer les bois sacrés, immolent des coqs pour avoir une abondante moisson, et rendent des hommages à leurs fétiches, à leurs idoles. Ils ne recevraient pas la bénédiction nuptiale, si le curé ne leur permettait de danser pendant une heure à la porte de l’église. Moyennant ces condescendances réciproques, le pasteur et les fidèles vivent en paix.

Quelques prêtres ont tenté de réformer ces abus, mais voici ce qui arrive ordinairement : l’alcade ayant écouté les plaintes des Indiens, ou étant lui-même mécontent du curé, lui envoie un message pour lui signifier l’ordre de s’en aller, padre, bayas usted. Le plus souvent le curé, qui connaît l’usage, s’en va ; mais, s’il s’y refuse, on fait approcher une mule avec quatre hommes, qui se saisissent de lui, et l’attachent sur la monture, la tête tournée vers la queue, et le mènent ainsi dans un village, situé à quatre lieues de Guichicovi, où il est

  1. Espèce de prison où le prévenu est étendu par terre, ayant les deux jambes emboîtées entre deux pièces de bois.