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VOYAGES.

son visa? parce que vous êtes un carbonaro ? — Parce que je suis un ancien militaire. — C’est cela ; mécontent du nouvel ordre de choses, un libéral, un séditieux, comme tant d’autres qui sont venus ici apporter l’esprit de révolte ! Nous saurons y mettre ordre, — Je me permettrai de dire à votre altesse qu’elle se trompe en ce qui me concerne ; je n’allais en Russie ni pour blâmer ni pour approuver la manière dont on y gouverne le peuple et l’armée, que m’importe ? mais tout bonnement pour mes affaires personnelles. D’ailleurs comme tous les sujets, quels qu’ils soient, de l’empereur votre frère, ont un accès libre en France, il me semble que nous devons obtenir le même privilége chez vous. — Et c’est sur de tels raisonnemens que vous avez cru pouvoir vous embarquer, malgré le refus de notre ambassadeur ? — J’ai cru que votre ambassadeur en voulait plus faire qu’il ne lui en était ordonné ; je crois encore trouver ici justice et non persécution. » Le pauvre colonel tremblait de l’audace de mes réponses ; mais ses craintes, pour cette fois, furent vaines. Le prince était, il faut le supposer, dans un de ses bons momens ; il se fit remettre mes papiers, mes lettres, qu’il décacheta sans façon, lut le tout en fumant un cigarre, et finit par dire : Ceci ne m’apprend rien, ceci ne prouve rien ; il me faut absolument d’autres informations. Colonel, menez monsieur chez vous, qu’il y ait une chambre, revenez ensuite, je vous donnerai d’autres ordres à son égard.

Nous sortîmes. J’admire votre hardiesse, me dit le colonel ; mais je ne conçois pas la modération du prince. Si l’un de nous se fût avisé de lui répondre comme vous l’avez fait, le cachot d’une forteresse le renfermerait pour sa vie. C’est qu’en France, répliquai-je, le pou-