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ÎLE DES AMIS.

Palou lui-même arriva dans la matinée suivante, et dès ce moment la scène s’anima autour de nous beaucoup plus que nous ne l’aurions désiré. Plusieurs centaines de naturels entouraient sans cesse le navire, ils échouaient, à mer basse, leurs pirogues sur le récif. L’espoir qui les avait rassemblés n’était que trop facile à deviner pour nous, et nous comprîmes dès-lors qu’au moment de la crise qui devait décider de nous, la mer ne serait pas notre ennemi le plus redoutable.

Le chef était venu dans une baleinière anglaise, qui lui appartenait ; et sans doute il était fier d’une aussi belle propriété, car à peine avait-il fait connaissance avec nous, qu’il nous entraînait vers l’échelle, pour nous faire contempler son embarcation qui flottait près du bord, répétant sans cesse : See my boat, very fine, car il parlait un peu anglais. Palou, bien que d’une corpulence énorme, était pourtant leste et bien fait ; on pouvait lui donner plus de quarante ans ; un vaste jupon d’étoffe ceignait son corps ; aucun ornement n’indiquait son rang, et il portait les cheveux entièrement ras. Un autre chef, d’un pouvoir égal au sien, l’accompagnait : c’était Lavaka, homme d’une grande taille, mais à l’air stupide et lourd. Une suite peu nombreuse de personnages secondaires monta à bord avec les deux chefs. À l’aspect de cette troupe, notre premier hôte, Touboo-Dodaï, parut abandonner ses prétentions au suprême pouvoir, il alla sans façon se placer aux derniers rangs de la suite de Palou, qui lui témoignait peu de considération.

La fortune avait mis dans nos mains de précieux ôtages ; nous n’épargnâmes rien pour rendre leur séjour sur le navire aussi profitable pour eux, qu’il était rassurant pour nous. Jamais sauvages ne se virent char-