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VOYAGES.

vorable, en s’imposant une privation volontaire proportionnée à la grandeur de l’offense ou à la colère présumée du dieu. Il n’est guère de système de religion où quelque croyance de ce genre n’ait pénétré, où elle n’ait été caractérisée par des actes plus ou moins extravagans. En tout temps et en tous lieux, l’homme a presque toujours fait son dieu à son image, et lui a prêté naturellement ses passions et ses caprices. Il a d’ailleurs jugé plus facile et plus prompt d’expier ses crimes et ses offenses envers la Divinité, par des privations temporaires qui dégénèrent souvent en une vaine forme, que de chercher à lui plaire en devenant meilleur, et en faisant du bien à ses semblables. Il est inutile de citer des exemples de cette déplorable erreur ; l’histoire religieuse de tous les peuples n’est guère qu’un long et triste recueil de toutes les folies de l’homme.

Plus que tout autre habitant de la Polynésie, le Zélandais est aveuglément soumis aux superstitions du tapou, et cela sans avoir conservé en aucune façon l’idée du principe de morale sur lequel cette pratique était fondée. Il croit seulement que le tapou est agréable à l’Atoua (Dieu), et cela lui suffit comme motif déterminant. En outre, il est convaincu que tout objet, soit être vivant, soit matière inanimée, frappé d’un tapou, se trouve dès-lors au pouvoir immédiat de la Divinité, et par là même interdit à tout profane contact. Quiconque porterait une main sacrilége sur un objet soumis à un pareil interdit, provoquerait le courroux de l’Atoua, qui ne manquerait pas de l’en punir en le faisant périr, non-seulement lui-même, mais encore celui ou ceux qui auraient établi le tapou, ou en faveur desquels il aurait été institué. C’est ainsi que l’Atoua se vengea,