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VOYAGES.

encore la mer pendant douze grands jours. De tels mécomptes sont communs dans la vie du marin.

Tonga-Tabou nous apparut donc au lever du soleil, et nous contemplions avec ravissement ce rivage si long-temps poursuivi. On mit le cap sur la terre, mais avant qu’on l’eût beaucoup rapprochée, un grain pesant vint encore assaillir la corvette, comme pour réprimer notre joie et nous avertir qu’une force supérieure à la nôtre pouvait encore nous repousser au large.

À dix heures, le temps s’était éclairci, un beau soleil dorait nos voiles, et l’Astrolabe faisait un chemin rapide vers l’île, qui semblait sortir de la mer toute brillante de verdure et de fraîcheur. Une pareille vue nous transportait d’aise, non que le site de Tonga-Tabou offre rien de remarquable en lui-même ; mais il s’embellissait à nos yeux par l’espoir de quelques instans de repos après trente jours si péniblement passés à la mer. Au reste, ce n’est pas dans les îles de l’Océan du sud qu’un artiste peut aller chercher des inspirations pittoresques. Là, presque toutes les terres, fondées sur d’immenses bancs de coraux, présentent à l’œil des lignes peu variées. La riche végétation de ces contrées s’élève d’un sol plat à une hauteur à peu près uniforme ; elle s’arrondit en masses épaisses que dominent d’innombrables cocotiers balancés au souffle des vents. Une île de la mer du Sud, aperçue de loin, n’est qu’une bande étroite de verdure couronnée par le beau ciel du tropique, tandis que la mer vient briser au pied des arbres sur un sable éclatant de blancheur.

Nous nous présentâmes devant le canal qui, par une route tortueuse au milieu des écueils, conduit au mouillage de Pangaï-Modou, autrefois visité par Cook et