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LA ROSE ROUGE.

seuil du cachot il crierait à sa femme : Blanche, tu es libre par moi ; viens, Blanche, et que ton amour et tes baisers acquittent la dette de la vie.

De temps en temps cependant une inquiétude vague traverse son esprit, un tressaillement subit frappe son cœur, alors il excite les postillons, promet de l’or, le prodigue, en promet encore : les roues brûlent le pavé ; les chevaux dévorent le chemin, et cependant à peine s’il trouve qu’ils avancent ! partout des relais sont préparés, point de retard ; tout semble partager l’agitation qui le tourmente. En quelques heures il a laissé derrière lui Versailles, Chartres, le Mans, la Flèche ; il aperçoit Angers ; tout à coup il éprouve un choc terrible, épouvantable : la voiture renversée se brise ; il se relève meurtri, sanglant, sépare d’un coup de sabre les traits qui attachent l’un des chevaux ; s’élance rapidement sur lui, gagne la première poste, y prend un cheval de course, et continua sa route avec plus de rapidité encore.

Enfin, il a traversé Angers, il aperçoit Ingrande, atteint Varades, dépasse Ancenis ; son cheval ruisselle d’écume et de sang. Il découvre Saint-Donatien, puis Nantes, Nantes ! qui renferme son âme, sa vie, son avenir. Quelques instans encore, il sera dans la ville, il en atteint les portes : son cheval s’abat devant la prison du Bouffays ; il est arrivé, qu’importe ?

— Blanche ! Blanche !

— Deux charrettes viennent de sortir de la prison, répond le guichetier ; elle est sur la première…

— Malédiction ! et Marceau s’élance à pied, au milieu du peuple, qui se presse, qui court vers la grande place. Il rejoint la dernière des deux charrettes ; un des condamnés le reconnaît : — Général, sauvez-la, sauvez-la… Je ne l’ai pas pu, moi, et j’ai été pris… Vive le roi et la bonne cause ! c’était Tinguy.

— Oui, oui !… Et Marceau s’ouvre un chemin ; la foule le heurte, le presse, mais l’entraîne ; il arrive sur la grande place avec elle : il est en face de l’échafaud, il agite son papier en criant : Grâce ! grâce !