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LA ROSE ROUGE.

paille infecte ; vous, qui êtes général, ne pouvez-vous…

— Blanche, voilà ce que je puis : Frapper à cette porte, brûler la cervelle au guichetier qui l’ouvrira ; vous traîner jusque dans la cour, vous faire respirer l’air, voir le ciel, et me faire tuer en vous défendant : mais, moi mort, Blanche, on vous ramènera dans ce cachot, et il n’existera plus sur la terre un seul homme qui puisse vous sauver.

— Mais le pouvez-vous, vous ?

— Peut-être.

— Bientôt ?

— Deux jours, Blanche ; je vous demande deux jours. Mais répondez à votre tour, répondez à une question de laquelle dépendent votre vie et la mienne… Répondez comme vous répondriez à Dieu… Blanche, m’aimez-vous ?

— Est-ce le moment et le lieu où une telle question doive être faite, et où l’on puisse y répondre ? Croyez-vous que ces murailles soient habituées à entendre des aveux d’amour ?

— Oui, c’est le moment, car nous sommes entre la vie et la tombe, entre l’existence et l’éternité. Blanche, hâte-toi de me répondre : chaque instant nous vole un jour, chaque heure une année… Blanche, m’aimes-tu ?

— Oh ! oui, oui… — Ces mots s’échappèrent du cœur de la jeune fille, qui, oubliant qu’on ne pouvait voir sa rougeur, cacha sa tête dans les bras de Marceau.

— Eh bien ! Blanche, il faut à l’instant même que tu m’acceptes pour époux. — Tout le corps de la jeune fille tressaillit.

— Quel peut être votre dessein ?

— Mon dessein est de t’arracher à la mort ; nous verrons s’ils osent envoyer à l’échafaud la femme d’un général républicain.

Blanche comprit alors toute sa pensée, elle frémit du danger auquel il s’exposait pour la sauver. Son amour en prit une nouvelle force, mais rappelant son courage : c’est impossible, dit-elle avec fermeté.

— Impossible ! interrompit Marceau, impossible ! Mais