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LITTÉRATURE.

de doute qu’il s’y était arrêté lorsqu’il pria le général Dumas de se rendre à l’instant à la poste, et de revenir l’attendre à la porte du Bouffays avec des chevaux et une voiture.

Le grade et le nom de Marceau lui ouvrirent l’entrée de cette prison ; il ordonna au geôlier de le conduire au cachot où Blanche était enfermée. Celui-ci hésita un instant : Marceau réitéra son ordre d’un ton plus impératif, et le concierge obéit en lui faisant signe de le suivre. — Elle n’est pas seule, dit son conducteur en ouvrant la porte-basse et cintrée d’un cachot dont l’obscurité fit tressaillir Marceau ; mais elle ne tardera pas à être débarrassée de son compagnon, on le guillotine aujourd’hui. — À ces mots, il referma la porte sur Marceau, et l’engagea à abréger autant que possible une entrevue qui pouvait le compromettre.

Encore ébloui de son passage subit du jour à la nuit, Marceau étendait ses bras comme un homme qui rêve, cherchant à prononcer le mot de Blanche, qu’il ne pouvait articuler ; et ne pouvant percer de ses regards les ténèbres qui l’environnaient, il entendit un cri : la jeune fille se jeta dans ses bras ; elle l’avait reconnu aussitôt : sa vue, à elle, était déjà habituée à la nuit.

Elle se jeta dans ses bras, car il y eut un instant où la terreur lui fit tout oublier, âge et sexe ; il ne s’agissait plus que de la vie ou de la mort : elle se cramponna à lui comme un naufragé à une roche, avec des sanglots inarticulés et des étreintes convulsives.

— Ah ! ah ! vous ne m’avez donc pas abandonnée, s’écria-t-elle enfin. Ils m’ont arrêtée, traînée ici ; dans la foule qui me suivait j’ai aperçu Tinguy : j’ai crié : Marceau ! Marceau ! et il a disparu. Oh ! j’étais loin d’espérer de vous revoir… même ici… Mais vous voilà… vous voilà… vous ne me quitterez plus… Vous m’emmènerez, n’est-ce pas ?… vous ne me laisserez point ici.

— Je voudrais au prix de mon sang vous en arracher à l’instant même ; mais…

— Oh ! voyez donc ; tâtez ces murs ruisselans, cette