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VOYAGES.

d’un effort d’imagination pour me persuader que j’étais dans la chaude Italie.

Je secouai, non la poussière, mais la neige du voyage, au seuil d’un prêtre grec, qui me reçut à son foyer et à sa table, plus que frugale ; car, tombé au milieu de l’un des quatre carêmes du rit grec, j’en dus subir l’austère discipline.

Nulle part le costume albanais des femmes n’a mieux conservé sa pureté primitive ; grâce à un isolement complet, rien d’italien ne s’y est introduit ; ce n’est pas chose facile que de le décrire, car les termes manquent.

Leur coiffure est ce que j’ai vu au monde de plus bizarre. Leurs longs cheveux noirs sont tressés ou plutôt roulés dans des rubans de coton blanc, qu’elles appellent bombacella. Elles les font passer autour du cou et les ramènent derrière la tête, pour leur donner une forme étrange que je ne saurais mieux comparer qu’à un masque d’escrime. C’est ce qu’elles nomment la chescetta.

Les femmes mariées seules ont le droit de porter la chesa, espèce de torche brodée, surmontée d’énormes épingles, dont les têtes plus énormes encore sont sculptées à jour. Mais toutes, femmes ou filles, se chargent de colliers massifs et de boucles d’or d’une dimension monstrueuse.

Leur habit est tout chamarré. La jupe rouge-feu est bordée de six ou sept larges galons jaunes ou bleus. Leurs manches amples et flottantes tombent à mi-bras, et le corset vert-clair (vulgarida) est le même qu’à San-Demetrio, quoique dessinant des tailles bien moins belles. Des souliers à boucles complètent le costume. Il y a dans cet accoutrement quelque chose d’asiatique.