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LES ALBANAIS EN ITALIE.

milieu de la place où étaient rassemblés les habitans de la ville, et leur dit : — Seigneurs, ma fiancée n’appartient à nul autre qu’à moi, et je dis vrai, car j’apporte pour preuve les couronnes nuptiales. Les voici ; je suis son fiancé. — Le prétendant, chassé et confus, devint la risée de la ville, et Constantin conduisit à l’église sa fiancée, la fiancée de son cœur. »

La vieille sibylle calabraise, assise au coin de l’âtre, s’était échauffée peu à peu, et sa voix cassée s’était ranimée ; son rithme heurté, ses inflexions lentes et prolongées, sa figure profondément ridée, encadrée par de longs cheveux blancs ; les débris du costume national, le mouvement de tout son corps, qui suivait le balancement de sa voix, tout cela formait un tableau sauvage, digne de la sorcière de Salvator Rosa et des antres d’Endor.

Le lendemain, mes hôtes, petits et grands, m’accompagnèrent jusqu’au Chratis, qui coule à quelques milles au-dessous de Santa-Sofia. Je passai le fleuve sur les robustes épaules d’un montagnard ; et faisant un dernier signe d’adieu à mes hôtes, je m’enfonçai dans les bois pour ne les plus revoir.

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Huit jours après, j’arrivai à San-Costantino, premier village de la Basilata, sur la frontière de Calabre. C’est encore une colonie d’Albanais, relégués et oubliés sur les larges bases du Pollino, un site désolé, un lieu perdu où de mémoire d’homme n’a paru un voyageur.

Il neigeait à gros flocons (20 novembre) ; le ciel était terne, la nature lugubre. Tout était dépouillé, tout était mort, et l’air était si froid, que j’avais besoin