Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 3.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
VOYAGES.

prennent pour espion. » Et il secouait la tête avec cette résignation d’une âme énergique, dont la Calabre m’a offert tant d’exemples.

Quant au culte, ils suivent le rit grec, en reconnaissant toutefois l’autorité de la cour de Rome, qu’ils détestent et n’appellent que la rapace, la perfida. Mais il a bien fallu transiger sur ce point, car la question était d’être ou n’être pas, to be or not to be.

Leurs prêtres se marient, et j’ai pu jouir du spectacle d’un homme en soutane, entouré de sa femme et de ses cinq enfans. Un autre m’a montré de son prie-dieu les romans de Voltaire et la Nouvelle-Héloïse, qu’il s’était procurés au poids de l’or, car des Alpes à Syracuse, la loi divine et humaine les frappe d’un égal anathème. En un mot, le clergé albanais est aussi protestant que celui de Genève ou d’Édimbourg.

Il relève, quant au spirituel, de l’évêque de Bisignano ; or, monseigneur ayant une sainte horreur pour le mariage des prêtres, de quelque communion qu’ils soient, les ambitieux s’en abstiennent, car la faveur épiscopale ne s’obtient qu’à ce prix.

Ils ont cependant un évêque (de Synope, in partibus) ; mais il n’a d’autre attribution que l’ordination des prêtres grecs, qui, avant sa nomination, étaient obligés de l’aller recevoir à Rome. Il habite le collége grec de Sant-Adriano, à un quart de lieue de San-Demetrio. C’est un respectable ecclésiastique, instruit et point fanatique.

Après le café, cérémonie aussi universelle, aussi sacramentelle au royaume de Naples que dans l’Orient, il m’a fait part d’un travail qu’il prépare sur l’histoire des Albanais, et je lui dois des renseignemens curieux.

Parmi les livres où il puise, et qu’il a bien voulu