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LES ALBANAIS EN ITALIE.

Georges Castriot, connu sous le nom de Scander-Beg (Alexandre Seigneur), avait été livré en otage par son père au sultan Amurath. Nourri, mais non énervé, dans le sérail, il sortit des mains des femmes comme l’aiglon couvé par les colombes, et déploya, en 1443, l’étendart de l’indépendance et de la vengeance contre l’usurpateur de son patrimoine et le meurtrier de sa famille.

Né seigneur de l’Albanie, il rappela au combat ses belliqueuses tribus, et, à la tête de ses braves et fidèles Mirdites, engagea une lutte qu’il soutint vingt-trois ans contre toutes les forces de l’empire ottoman : nouvel exemple de ce que peut la volonté ferme et constante d’une énergique minorité, comme ses ancêtres les Macédoniens l’avaient jadis été sous un autre Alexandre, il fit trembler Amurath dans ses villes, et défit ses armées dans plus de vingt combats.

Amurath en mourut de rage ; Mahomet ii monta sur le trône, et prit Constantinople. Sentinelle avancée de la Chrétienté, le Soldat de Jésus-Christ (c’est le titre que prenait Scander-Beg) jeta aux princes d’Europe un cri d’alarme ; mais ils étaient frappés de peur, et il soutint seul, en héros, la lutte de l’Europe contre l’Asie.

Il s’est rangé, par sa constance, parmi les grandes figures historiques du xve siècle. Il se détache avec éclat sur le vaste tableau du moyen âge expirant, comme un des chefs de cette résistance de fer qui appela le siècle suivant à de si hauts destins.

Alphonse d’Aragon régnait alors à Naples. Habile politique et grand capitaine, il fut alarmé de la prise de Bysance ; il voyait dans le colosse naissant un ennemi naturel, et répondit seul à l’appel de Scander-Beg. Il lui envoya (1454) quelques secours sous les ordres de Raymond d’Ortaffa.