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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

mufti est toujours une bonne formalité, et le grand-seigneur a, je suppose, encore la tête rasée pour lui plaire. Sa Hautesse n’ose même rentrer dans le grand-sérail, de peur de retomber sous le joug de l’étiquette religieuse, d’avoir à subir chaque jour les hideux regards des eunuques, et de voir l’intendante du harem retourner ses pantoufles, s’il s’oubliait plus d’une heure avec une de ses femmes. Jugez : quand il changea le costume, c’était faire une révolution ; entre le fessi et le turban, il y a pour un uléma la différence de la réforme de Luther et du catholicisme.

Au milieu de cette combinaison théocratique, le régime militaire trouve sa place. L’empire turc est un camp ; ses provinces ont des sandjiaks, des drapeaux ; la population est divisée officiellement par aile droite et aile gauche, prête à se rallier au centre à Constantinople. Les pachas sont des généraux d’armée ; ils punissent de mort sans consultation, comme s’ils étaient en campagne, et le sultan donne le mot d’ordre à tous.

La lutte est aujourd’hui entre l’ordre religieux et l’ordre militaire.

L’ordre religieux, auquel on doit les grandes choses du passé, n’est plus guère qu’un embarras.

Parmi les premiers sultans qui envahirent les provinces du Bas-Empire, il y en eut qui n’ignoraient pas le latin et qui lisaient les fragmens d’Homère et la Bible. La diplomatie de Soliman-le-Grand était moins fanatique que celle de François Ier. À côté des mosquées, le papas desservait en liberté sa chapelle ; le caloyer bâtissait son monastère près des cieux, sur la même montagne où le derviche allumait les lampes de son Tekè. De nos jours encore, la procession catholique passe dans Péra au son des cloches, et révé-