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GEORGE FARCY.

mença à l’entretenir de ses projets pour le lendemain, auxquels il voulait l’associer. — Ghérard, lui dit-elle après un long silence, ces folies d’aujourd’hui, oubliez-les, je vous en prie, et n’abusez pas d’un moment… » — « Ah ! dit Ghérard, que le ciel me punisse si jamais je l’oublie. Mais vous, oh ! promettez-moi que cet instant passé, vous ne vous en souviendrez pas pour me faire expier à force de froideur et de réserve un bonheur si grand. Et moi, ma belle amie, vous m’avez mis à une école trop sévère pour que je ne tremble pas de paraître fier d’une faveur. » — Eh bien ! je vous le promets, dit-elle en souriant ; soyez donc sage. » Et Ghérard le lui jura, en baisant sa main, qu’il pressa sur son cœur. »

Durant les deux derniers mois de sa vie, Farcy avait loué une petite maison dans le charmant vallon d’Aulnay, près de Fontenay-aux-Roses, où l’appelaient ses occupations. Cette convenance, la douceur du lieu, le voisinage des bois, l’amitié de quelques habitans du vallon, peut-être aussi le souvenir des noms célèbres qui ont passé là, les parfums poétiques que les camélias de Chateaubriand ont laissés alentour, tout lui faisait d’Aulnay un séjour de bonne, de simple et délicieuse vie. Il réalisait pour son compte le vœu qu’un poète de ses amis avait laissé échapper autrefois en parcourant ce joli paysage :

Que ce vallon est frais, et que j’y voudrais vivre !
Le matin, loin du bruit, quel bonheur d’y poursuivre
Mon doux penser d’hier qui, de mes doigts tressé,
Tiendrait mon lendemain à la veille enlacé !
Là, mille fleurs sans nom, délices de l’abeille ;
Là, des prés tout remplis de fraise et de groseille ;
Des bouquets de cerise aux bras des cerisiers ;
Des gazons pour tapis, pour buissons des rosiers ;
Des châtaigniers en rond sous le coteau des aulnes ;
Les sentiers du coteau mêlant leurs sables jaunes
Au vert doux et touffu des endroits non frayés,
Et grimpant au sommet le long des flancs rayés ;
Aux plaines d’alentour, dans des foins, de vieux saules