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FORMULE GÉNÉRALE DE L’HISTOIRE.

d’une sorte de sanctuaire où il a noblement renfermé sa vie, loin des agitations et des intérêts de son temps. C’est ainsi, en effet, que M. Ballanche a compris la mission de l’écrivain : ce n’est pas lui que nous eussions jamais vu mettre son intelligence au service d’un intérêt, d’un parti ; ne trouver dans la littérature, dans ce monde de la pensée, qu’une antichambre conduisant au ministère, où il fallait se résigner à venir attendre, ou bien qu’une sorte de Sinamary où l’on arrivait déporté sous le coup de quelque disgrâce. — On ne l’a jamais vu non plus chercher avidement de frivoles succès, de passagers applaudissemens, en se faisant le servile écho de la foule : il a compris, au contraire, que c’était à lui de l’initier à ses propres idées ; si de flatteurs et de légitimes suffrages n’étaient venus, au bout de quelques années, récompenser ses longs travaux, s’enveloppant de son manteau, il se serait résigné à attendre la postérité. Le sort de Milton ni celui de Vico ne l’auraient effrayé. Il se serait aussi rappelé que madame de Staël, le génie qui brille parmi nous d’un si merveilleux éclat, devança trop son siècle pour en être comprise ; que pour nous élever jusqu’à bégayer sa pensée, nous, hommes de ce temps, il a fallu les révolutions qui ont brisé le sabre impérial, et le vaste mouvement intellectuel qui a fondé la liberté.

Après avoir tenté de développer la pensée principale de M. Ballanche, il resterait encore, pour compléter ce petit travail, à apprécier le mérite littéraire de ses ouvrages, surtout la valeur philosophique de son système, en le comparant à quelques systèmes contemporains de l’Allemagne. Mais mesurant ma tâche à mes forces, je laisse volontiers ce soin à de plus habiles. Je me croirai d’ailleurs presque certain d’avoir fait partager au lec-