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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

Mais, si quittant cette terre par la pensée, nous nous élevions dans l’espace, alors en même temps que nous verrions notre globe et les autres planètes de notre système disparaître dans la multitude des mondes créés, et le soleil d’abord immense, étincelant, n’être plus qu’un point à peine lumineux dans la poussière des soleils semée dans l’immensité, nous verrions aussi l’humanité se briser, se dissoudre, pour ainsi dire, dans l’océan des êtres…

Mais il est bien temps d’abandonner ces étroites formules, où je me suis efforcé d’emprisonner la pensée de M. Ballanche, voulant parcourir dans un petit nombre de pages le cercle entier de ses idées.

Et maintenant le moment serait arrivé sans doute où je devrais essayer d’apprécier le genre d’inspiration de M. Ballanche. Je devrais peut-être dire que sa philosophie, expression d’un amour ardent et naïf de l’humanité, est devenue pour lui une véritable religion. Je devrais parler de la fraîcheur, pour ainsi dire, virginale de ses croyances, dire comment on ne peut le lire sans se sentir doucement pénétré de sa foi dans l’avenir, de sa sympathie pour les temps écoulés. Il vous subjugue par la sincérité de sa conviction, avant qu’il soit possible d’examiner sur quelles idées elle se fonde. En le lisant, il semble que l’on se trouve dans une atmosphère où l’on respire plus librement, on se sent allégé des mauvaises idées qu’on nourrit souvent contre l’homme, on croit à ce qu’il a de noble et de divin, on se livre à de magnifiques espérances sur la destinée. On ne peut pénétrer dans la pensée de l’auteur, sans éprouver une émotion presque religieuse ; on y voit, non la vaine préoccupation d’un moment, mais une conviction intime et profonde : on sent qu’on approche