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VOYAGES.

d’entre eux à venir se rendre prisonniers, tandis que les autres s’enfoncèrent plus avant dans les forêts, où ils vécurent avec les Indiens ; quelques-uns furent assez heureux pour atteindre Chignouctoo, et de là s’échapper au Canada.

Trois cent cinquante maisons furent incendiées au même moment à Cumberland, et consumées avec tout ce qu’elles contenaient. La fumée, chassée dans les bois par le vent, avertit les Français de la vengeance de leurs oppresseurs, et du haut des arbres ils virent avec horreur les flammes dévorer leurs maisons et tout ce qu’ils possédaient. Spectateurs passifs de leur propre ruine, ces infortunés ne purent supporter l’idée de voir leur église anéantie : quand ils virent leur clocher disparaître au milieu d’une épaisse fumée, et reparaître après tout en feu, ils sortirent des bois accompagnés des Indiens, se précipitèrent avec fureur sur les Anglais, et les massacrèrent tous. Mais entourés bientôt de toutes parts d’ennemis, de flammes et de ruines fumantes, ils furent contraints de se réfugier une seconde fois dans les forêts.

Tous les Acadiens enfin, dispersés dans les provinces, furent réunis au nombre de huit mille, et conduits dans les colonies anglaises. Tous furent impitoyablement dépouillés de leurs propriétés, séparés de leurs familles, entassés dans de petits navires disposés pour la traite des nègres, et jetés dans des contrées hostiles à leur patrie, à leur religion, à leurs mœurs et à leurs habitudes. Ils y arrivèrent pauvres, humiliés, ignorant le sort de leurs amis. Une grande partie des femmes et des enfans périrent à bord par suite de privations et de mauvais traitemens.

On se demande, en lisant ces détails, si c’est bien un peuple civilisé qui a pu ainsi arracher une popula-