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MANILLE.

nant de voir avec quelle adresse et quel acharnement ces coqs singuliers se battent, s’irritent et se terrassent, il semble qu’ils soient animés des passions jalouses de leurs maîtres, qui, du reste, les traitent fort bien.

Une chose qui m’a surtout indigné de la part de ces indolens Malais, c’est le cruel procédé qu’ils emploient envers ces bêtes innocentes, lorsqu’ils veulent que le but soit plus complètement atteint, surtout lorsque la force des deux combattans paraît égale. Ils attachent à l’une des pates de l’animal, au-dessus de l’ergot, un canif ou espèce de stylet tranchant et très-acéré, à l’aide duquel le plus agile et le plus adroit parvient à poignarder son adversaire. L’individu, restant ainsi roide mort sur le pavé, justifie sans équivoque, aux yeux des spectateurs, la supériorité du vainqueur. Les combats de cette nature ont lieu surtout les jours de fête, et les prêtres ne font nulle difficulté d’y assister.

À mon retour d’un voyage que je fis dans les montagnes voisines, j’eus occasion de voir célébrer une de ces fêtes singulières, où le combat de coqs semblait être l’objet principal et la partie la plus intéressante. Tous les habitans de l’endroit se trouvaient à peu près réunis, et formaient ensemble, sur la place publique, un vaste groupe circulaire, dans le centre duquel je remarquai, non sans quelque surprise, plusieurs prêtres revêtus de leurs insignes religieux; ils semblaient diriger eux-mêmes le combat de ces bêtes inoffensives. Ceux qui formaient le premier contour du cercle tenaient dans leurs bras chacun un vigoureux coq, destiné aux combats successifs de la journée. Les prêtres, chefs principaux de cette cérémonie, s’adressaient tour à tour à eux pour leur demander, comme médiateurs,