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MANILLE.

Notre séjour dans la rade de Manille avait donc pour objet de nous procurer dans cette colonie des agriculteurs d’origine chinoise, qui abondent, en effet, dans ces parages. Le gouverneur de l’île, sans s’opposer à ce projet de notre commandant, parut néanmoins peu disposé à le favoriser ; cependant il jugea à propos de l’aboucher avec un capitaine chinois, qui, disait-il, avait beaucoup d’influence dans le pays. Après quelques palabres d’usage, ce dernier consentit volontiers, et s’engagea même à procurer, dans un délai assez court, le nombre d’hommes qui lui étaient demandés ; à cet effet, il reçut de nombreux cadeaux de notre part. Mais quelques personnes du bord, malintentionnées sans doute, et ennemies de M. Philibert, commandant de l’expédition, cherchèrent par tous les moyens à lui faire manquer le but de sa mission ; ils insinuèrent au capitan chinois que ses hommes seraient faits esclaves dès leur arrivée dans nos colonies, et qu’il ne devait point compter sur les belles promesses qu’on lui faisait. Cette manœuvre clandestine ne tarda pas à être connue du commandant de l’expédition, qui, bientôt, consigna tout le monde à bord ; mais cette précaution fut malheureusement prise trop tard : les Chinois ne voulurent plus s’embarquer, et gardèrent les cadeaux, les arrhes qu’ils avaient reçus ; on parvint pourtant, à force de démarches et de présens, à en engager une trentaine ; ils furent conduits à Cayenne, où ces malheureux ont fini par succomber presque tous. L’un d’entre eux fut amené à Paris, où il a été entretenu pendant deux ans aux frais du gouvernement.

Un des plaisirs les plus vifs et les plus répandus chez les habitans du grand Archipel asiatique, et surtout chez ceux des îles Philippines, est sans contredit les