Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.
359
MANILLE.

En rebroussant chemin, je remarquai à droite et à gauche des embranchemens qui se prolongeaient dans la montagne, et auxquels je n’avais pas pris garde en allant. Cela me fit voir le danger de parcourir de semblables lieux sans avoir pris des mesures convenables pour sa sûreté. Je ne conçois actuellement qu’avec beaucoup de difficulté comment je ne me suis pas égaré dans quelqu’une de ces fausses routes : qui sait où elles m’eussent conduit ? Je ramassai une tête de mort, que j’ai soigneusement rapportée à Paris, où je l’ai offerte au cabinet d’anatomie du Muséum. On m’apprit, à mon retour au village de San-Matheo, qu’il y avait environ trois ans trois Indiens, entrés dans cette caverne par simple curiosité, ayant négligé de prendre de bonnes bougies, et s’étant contentés de bambous allumés, n’en sont jamais revenus. Probablement leurs bambous s’éteignirent, et il leur fut impossible de retrouver la sortie de cette caverne. Le curé lui-même me confirma ces détails, et je suis fermement convaincu que la tête de mort que j’en ai rapportée a appartenu à un de ces infortunés Indiens. Avant de sortir du souterrain, je cassai, avec le marteau dont je m’étais muni, un morceau de la roche granitique ou pyroxénique dont la montagne est composée.

Avec quel doux ravissement je respirai à la sortie de cette grotte ! Il me semblait que je revivais dans un autre monde. Je me crus rapproché de ma patrie. La nature me parut plus brillante et plus animée que je ne l’avais encore vue. Cinq heures de séjour dans les entrailles de la terre et dans l’épaisseur des ténèbres m’embellirent tous les objets qui frappèrent mes regards, lorsque je revis le flambeau du jour.

Nous fîmes halte le long de la rivière sur des gazons