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ALBUM.

trième ; je n’y verrais guère à reprendre, si je voulais reprendre. Ce salon actuel est peint ; cette jolie petite femme légère et bonne qui plaint madame d’Hervey en se regardant dans la glace ; qui parle de sa robe à son poète et de poésie aux autres, pour le faire briller ; cet auteur spirituel qui jase de littérature dans le petit cercle féminin, ces jeunes gens désœuvrés qui se chauffent, tout cela est charmant. Il a été très-habile à M. Dumas de jeter ainsi la critique de l’art dans l’art même, et de faire porter à Antony son bouclier. Personne ne pouvait le tremper plus solidement que lui-même.

Ce personnage d’Antony était d’une extrême difficulté pour l’acteur. Bocage a déjà reçu tant d’éloges dans ce rôle, que ce serait un lieu commun de les répéter.

J’ai vu le public jouer de son côté une scène charmante à la troisième représentation.

Des femmes très-jeunes, très-jolies et fort parées, que je ne connais pas et que devrait remercier l’auteur, étaient groupées dans une grande loge de l’avant-scène, leurs amies dans les loges voisines ; après avoir écouté Adèle d’Hervey, en pâlissant, en frémissant, en se cachant les yeux, elles ont éprouvé pour elle une pitié si tendre, un intérêt si vif, qu’elles ont toutes arraché leurs bouquets et les lui ont jetés sur la scène, toutes penchées en dehors, en souriant et en pleurant, étendant les mains comme pour l’embrasser lorsqu’elle a reparu. C’était bien gracieux à voir, et cela me fit penser à l’injustice de lord Byron, lorsqu’il a fait dire au Giaour :

No gayer insects fluttering by
Ne’er droop the wing o’er those that die,
And lovelier things have mercy shown
To every failing but their own,
And every woe a tear can claim
Except an erring sister’s shame
.

« Non, les plus brillans papillons de l’air n’ont jamais abaissé leurs ailes sur ceux qui meurent ; et les femmes les