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VOYAGES.

ruines d’Athènes anéantie ! Étrange destinée des empires !

Nos courses fatigantes, par une température de vingt-six degrés, commençaient à nous faire sentir le besoin du repos ; nous rentrâmes dans la maison d’un de nos gardes, où nous improvisâmes à la hâte un dîner tout-à-fait oriental. On nous servit du pilaw, du caïmac, du kebab, du miel exquis de l’Hymette : nous y joignîmes quelques bouteilles de vin de Naxos que nous bûmes pur malgré les défenses du vieux roi Amphyction[1], et sans craindre la surveillance des œnoptes[2].

La journée était déjà fort avancée ; c’était la seule que les occupations de mes compagnons et l’obligation où j’étais moi-même de me rendre promptement dans l’Archipel, nous permissent de consacrer à Athènes. Nous recommençâmes rapidement notre exploration par le temple de Thésée. L’intérieur est vide à présent, et ne sert plus d’écurie ; toutes les autres parties du monument sont entières, seulement une des plus fortes pierres du fronton a été détachée et jetée par terre : elle couvrait une ruche d’abeilles dont les Turcs ont voulu dernièrement prendre le miel.

La Lycabettus était devant nous. Il fallait gravir cette colline pour arriver au Pnyx. « Vous voyez, effendi, me dit sur la route un Athénien qui nous accompagnait, cette pierre si usée par le frottement est celle où de temps immémorial les femmes stériles qui voulaient devenir fécondes venaient glisser chaque soir. » Je remarquai effectivement à droite de la route un rocher élevé

  1. Troisième roi d’Athènes, cent cinquante ans avant J.-C.
  2. Inspecteurs des vins. Ils étaient spécialement chargés de la police des courtisannes, et percevaient le tribut qu’elles devaient payer.