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UNE DÉBAUCHE.

dans un article, condensait en se jouant l’esprit d’un écrivain fécond, s’entretenait avec ce poète dont les écrits écraseraient toutes les œuvres du temps présent, si son talent avait la puissance de sa haine. Tous deux essayaient de ne pas dire la vérité, de ne pas mentir, en s’adressant de douces flatteries.

Un musicien célèbre consolait en si bémol et d’une voix moqueuse un jeune homme politique récemment tombé de la tribune sans se faire aucun mal.

De jeunes auteurs sans style étaient auprès de jeunes auteurs sans idées, des prosateurs pleins de poésie près de poètes prosaïques ; et, voyant ces êtres incomplets, un pauvre saint-simonien, assez naïf pour croire à sa doctrine, les accouplait avec charité, voulant sans doute les transformer en religieux de son ordre.

Enfin, il y avait deux ou trois de ces savans destinés à mettre de l’azote dans la conversation, et plusieurs vaudevillistes prêts à y jeter des lueurs éphémères, semblables aux étincelles du diamant qui ne donne ni chaleur ni lumière…

Quelques hommes à paradoxes, riant sous cape des gens qui épousaient leurs admirations ou leurs mépris pour les hommes et les choses, faisaient déjà de cette politique à double tranchant, avec laquelle ils conspirent contre tous les systèmes, sans prendre parti pour aucun.

Le jugeur, qui ne s’étonne de rien, qui se mouche au milieu d’une cavatine aux Bouffons, y chante brava !… avant tout le monde, et contredit ceux qui prédisent son avis, était là, cherchant à s’attribuer les mots des gens d’esprit.

Parmi ces convives, cinq avaient de l’avenir, une dizaine devait obtenir quelque gloire viagère, et, quant aux autres, ils pouvaient se dire, comme toutes les médiocrités, le fameux mot de Louis xviii : Union et oubli

L’amphitryon avait la gaîté soucieuse d’un homme qui dépense deux mille écus ; et, comme de temps à autre ses yeux se dirigeaient avec impatience vers la porte du salon,