Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
261
SCÈNES DU DÉSERT.

— Le missionnaire lut :

« À sa Présence[1] Tippoo-Saeb, sultan de Mysore. — Liberté-égalité. »

— Liberté ! égalité ! quels sont ces mots-là ?

— Ce sont des mots, répondit l’interprète laconique ; allez toujours.

— Le père continua en épelant, hésitant mille fois, et secouru comme un enfant à l’école :

» Je suis sur les bords de la mer Rouge avec une armée innombrable et invincible, remplie du désir de vous délivrer du joug de fer de l’Angleterre. Envoyez à Suez un homme avec lequel je puisse conférer.

» Bonaparte. »

— Le charlatan ! continua l’interprète, il n’a que trente mille deux cents hommes ; mais n’importe : probablement il s’en servira bien.

— Bonaparte ! je ne connais pas ce nom ; mon ami, est-ce un Italien ? d’où vient-il ? est-ce un Espagnol ? c’est un nom méridional.

— Oui, oui, papa, dit l’interprète, en lui frappant sur l’épaule, et lui parlant du ton que l’on prend avec un vieillard qui radote, et auquel on accorde tout ce qu’il dit. Oui, oui, vous avez raison. Ne vous en inquiétez pas trop, vous saurez tout cela bientôt. Il s’agit à présent de savoir ce qui se passe dans le Vostanieh[2], et d’envoyer un Ababdeh à la découverte.

Il répéta cette demande en arabe au cheik Yâqoub, qui se contenta de deux gestes pour réponse, ôtant lentement

  1. Sa Présence. Ce titre équivalait dans les Indes au titre de Majesté en Europe.
  2. Moyenne-Egypte.