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ESSAIS DE PALINGÉNÉSIE SOCIALE.

» Jeunes filles, ses compagnes, nous avons souvent entendu la vierge magnanime nous dire des chants dont elle ignorait la sublimité. Dès sa plus tendre enfance, elle reçut d’en haut le don de prophétie, et elle s’en servait pour consoler. Nous le savons, les reines du foyer domestique l’écoutaient en silence. Le patron se glorifiait de la fille sublime de son client, car le charme de l’harmonie égalait en elle le charme de la beauté.

» Tressons des fleurs, elle l’a voulu ainsi, tressons des fleurs pour l’épouse plébéienne, qui nous a acquis la gloire de la pudeur, aux dépens de sa touchante vie !

» Elle a dédaigné la science accordée par le patron ; elle a refusé la noce obscure sous le toit d’un maître. Son cœur généreux réclamait pour elle, réclamait pour tous la communication des choses divines et humaines. Elle voulait que la maison de son époux fût un temple et non un asile, et ne reconnaître d’autre loi que la loi donnée par son époux lui-même. Elle est morte pour se soustraire à un injuste opprobre, et le sacrifice a été volontaire.

» Elle était belle entre toutes les filles de son âge, qui furent ses compagnes ; elle eût été belle entre toutes les filles patriciennes ; elle est belle encore sur ce lit de feuillage, où elle semble reposer dans le sommeil, sur ce lit funèbre qui est environné de toute la gloire des noces solennelles !

» Le père malheureux, en lui donnant la mort, s’est emparé de toute la puissance de la paternité, de toute la puissance de la religion. Le pouvoir du patron a été brisé par la vertu du sacrifice volontaire. Les droits du père légal ont été noyés dans le sang pur de la